dimanche 15 avril 2007

A song, a day. 07/04/2007

Pole - Warum

J'ai complètement craqué sur la pochette, un bleu polaire, le Neuschwanstein au milieu des neiges, un décor féerique... Le titre de l'album : Steingarten, cioè le jardin de pierre...

Et pourtant, sa musique ne me laisse ni de marbre, ni de glace. Le titre du jour inaugure l'album par une question (warum ?). Des craquements, des crépitements, un souffle et une boucle répétée qui revient inlassablement : warum, warum... Il faut attendre plus de deux minutes avant qu'enfin un nouveau riff (au synthé) vienne lui répondre par une mélodie claire, réhaussée par une basse profonde. Aussitôt, un sample tout en disto vient rappeler la question en la développant (on est bien d'accord, j'en sais rien, j'imagine). Derrière ça s'agite tout pareil, des stridences, des grésillements et des craquements insolites. Une architecture soignée et savante. On rentre dans la musique de Stefan Betke comme dans le château de Louis II de Bavière : "je veux donner une dimension spatiale à ma musique, la rendre saisissable à tel point que l'auditeur ait l'impression de visiter des pièces, de découvrir des passages dérobés et des chambres cachées" explique Pole... Une musique spatiale ancrée dans un jardin de pierre, en somme...


Repère :
Quand Stefan Betke a sorti en 1998 son premier album 1, le microcosme électronique a ressenti une immense secousse. Cet opus mêlant expérimentations, dub urbain, craquements, cliquetis et souffles s'est vite imposé comme la première pierre d'une voie nouvelle pour l'électro. La préfiguration entre autre du mouvement click'n cuts (voir Mille plateaux et consorts). Bekte a d'ailleurs créé à cette époque (avec Barbara Preisinger) le label ~Scape. Son son novateur vient pourtant (comme souvent en musique) d'un accident. Gudrun Gut et Thomas Fehlmann lui avaient donné un filtre Waldorf-4-Pole endommagé par une chute. Betke trouva pourtant les sons produits par cet appareil défectueux séduisants (une sorte de craquement et de cliquetis régulier associé à un bruit d'électricité statique) et il y puisa la source de ces expérimentations sonores (voir 1, donc, mais aussi 2 et 3)-ainsi que son pseudo-. Tout ça, associé à un amour insondable pour le hip hop et le dub et à un veritable souci de minimalisme ("how can one extract the most intensity from the least amount of material as possible"), fera de Pole une des "têtes chercheuses" de la musique electronique. A signaler encore : l'album Pole datant de 2003 dans lequel ce berlinois d'adoption abandonne les sons statiques et invite un rapper à poser sa voix sur ses constructions habiles et insolites.

jeudi 12 avril 2007

E-Girl - Un parcours : épisode 1


The Beatles - Beatles Ballads

Pas de souvenirs de chocs mélodiques ou d’une quelconque épiphanie musicale. Pourtant à la maison, des disques, énormément. Mais que du classique et surtout... De l’opéra. Des rayonnages entiers de vinyles, cassettes (puis CD). De l’opéra tous les jours, dans toute la maison. Et surtout le samedi matin, jour de ménage, où les coups de balai passé contre la porte au son de Verdi nous réveillent inlassablement. Avec ma sœur, on fait tout pour y échapper. En vain ! Seul morceau "classique" à trouver à nos yeux une quelconque grâce et surtout une liberté jouissive : le final de L'enlèvement au sérail ; les seules fois de nos vies où nous sommes autorisées à sauter sur le canapé en rebondissant sur nos fesses. Des cymbales héroïques que je cherche absolument à reproduire à l’époque avec les couvercles de la cuisine. Comme premier épisode, j’aurais donc pu choisir un opéra ou une pièce classique... Mais si je suis honnête, mes vraies amours pour le style (Rachmaninov, Mahler ou le Faust de Gounod) ne sont que bien plus tardives. J’aurais aussi pu parler de Claude François (qui je l’apprendrai plus tard, terrorisait le petit Mr. B. alors que moi, je jouais sa ré-incarnation en dénichant mes 2 plus fidèles claudettes –ma sœur et Delphine, contraintes et forcées, mais qui s’exécutèrent pendant des mois parce que j’avais deux ans de plus- puis en en embauchant quatre autres filles –les claudettes étaient 6- dans la cour de récré pour des répétitions quotidiennes, voir tri-quotidiennes !) ou de Patricia (Kaas, D'Allemagne, déjà...). Je me souviens avec amour de notre disque d’Anne Sylvestre (avec « il fait un froid de lou-ou-ou-ouhouhoup, maman prends moi sur tes genoux » et l’escargot Léo). Mais mon premier épisode sera celui d’une confession honteuse.
Alors que papa faisait des bonds horrifiés (il en fait toujours) s’il avait le malheur d’entendre une batterie ou une guitare électrique (et menaçait même d’envoyer tout le monde dans le fossé si un tel son sortait de l’autoradio), maman avouait de son côté avoir aimé les Beatles dans sa (proche) jeunesse. Aussi, lorsque mon père me permit pour la première fois de prendre une cassette sur sa carte de bibliothèque, je m’emparai de la double compilation « rouge » des Beatles, les yeux brillants. En rentrant, je montrai triomphante ce que j’avais ramené, les yeux pleins d’amour à ma mère... Avant de glisser l’enregistrement dans mon radio-cassette, je vénérais déjà l’objet, sûre d’entendre le truc le plus beau de la Création. Ce qui se passa quand je pressais le bouton play fut pourtant complètement différent. Aussitôt un effroyable son de casserole (du moins c’est ce que mes oreilles entendirent à l’époque) remplit la pièce et je ne tins pas plus de deux chansons. Du haut de mes 8-9 ans, je prétendis avoir a-do-ré : il n’était pas question de mettre mon amour pour ma mère en question.

Quelques années plus tard, il n’était pas plus question de mettre en doute mon amour filial dévoué. Lors d’une de nos premières virées à la FNAC, je choisis donc de réitérer en ne m’avouant pas vaincue. Je choisis une cassette des Fab Four avec l’aide de maman : ce n’était même pas un album, juste une compilation. Mais pas n’importe quelle compilation, une compilation des titres que justement ma maman préférait. Beatles Ballads, ça s’appelait. Que des titres doux et calmes... Et à force d’écoutes, le miracle se produisit enfin... Moi aussi j’aimais les Beatles ! Et maintenant quand on me demande ce que je préfère chez les Beatles, j’ai toujours envie de répondre Beatles Ballads (que personne ne connaît bien sûr)... A cause de “She’s leaving home” (mon titre préféré !), “Here comes the sun”, “the fool on the hill” ou “here there and everywhere”...
Il m’arrive aussi de répondre la « double compilation rouge » (qui fait se retourner les puristes qui ne jurent qu’ « après le double blanc » !!!), histoire de faire un pied de nez à mes terreurs enfantines...

lundi 9 avril 2007

A song, a day. 30/03/2007


Sleater Kinney - Jumpers

Voilà plusieurs jours que je reviens inlassablement à ce titre. J'écoute autre chose, d'autres disques, mais invariablement depuis quelques semaines, je reviens à ce "vieux" morceau de Sleater Kinney (elles nous manquent). Jumpers, le bien nommé, qui fait bondir toujours plus haut. Morceau de leur dernier album, The Woods, qui date de 2005, à l'énergie brute. J'ai regardé le clip des dizaines de fois. Une fille qui ressemble un peu, de très loin, à Carrie (Brownstein, l'incroyable guitariste du groupe), coincée dans un bureau et une vie de con, découpe les fenêtres d'enveloppes vierges et les colle toutes ensemble... On comprend plus tard qu'elle se fabrique des ailes... Le morceau commence par une intro addictive aux guitares et les lyrics enchaînent : "I spent the afternoon in cars, i sit in traffic jams for hours" et on comprend vite la claustrophobie dont il est question : la solution est dans les airs... "The sky is blue most every day, The lemons grow like tumors they, Are tiny suns infused with sour (...) the only substance is the fog And it hides all that has gone wrong". La batterie martèle pour lancer le refrain... On ressent l'urgence. "The coldest winter I ever saw Was the summer that I spent..." résonne comme un dernier appel. Suit le retour des guitares addictives qui rappellent combien l'air est oppressant... Puis le solo. Energisant. Jumpers...? Est ce qu'il s'agit de sauter du toit de l'immeuble avec ses ailes de cire ? Ou bien seulement de songer à s'évader et de prendre sa vie en main ("Sing your song loud So the people can hear"). A leur tour les guitares et la voix de Carrie martèlent l'urgence : "You're not the only one, let's go". Dans le clip, la jeune fille saute et s'envole :


"My falling shape will draw a line


Between the blue of sea and sky


I'm not a bird


I'm not a plane"...


Une dernière accalmie dans le morceau pour l'envol... Puis tout s'achève dans le cri mêlé des voix de Corin et Carrie, de leurs guitares et de la batterie rugissante de Janet :


"4 seconds was the longest wait".




Repère :

Je suis moins bien placée que The Hostess pour résumer Sleater Kinney en quelques phrases. C'est elle qui me les a fait connaître après son coup de foudre sur le web et son voyage à Portland pour aller les voir en concert. Sleater Kinney est donc un trio féminin (deux guitares, une batterie) de Portland qui était dans la mouvance punk et riot grrrl des années 90. Elles ont sorti plusieurs albums (Sleater Kinney 1995 et Call the Doctor 1996 sur Chainsaw records, Dig me out 1997, The hot rock 1999, All hands and the bad one 2000 et One Beat en 2002 sur Kill rock stars, et enfin le dernier The Woods sur Sub Pop en 2005) aux guitares puissantes et abrasives, à la batterie brute et aux voix écorchées. Sleater Kinney c'est du brut et du mélodique. Sadly, à la fin de la tournée de The Woods, malgré un succès moins confidentiel et une reconnaissance de plus en plus unanime, le trio indie-power-rock a annoncé la fin (ou tout au moins la mise en sommeil) du groupe. Restent leurs disques. Et ce morceau à écouter très fort... Je ne suis pas prête d'arrêter d'y revenir.

A song, a day. 15/03/2007

Au revoir Simone - Fallen Snow

Il y a quelques temps, lorsque The Hostess a découvert la Blogothèque, on s'est fait une soirée de concerts à emporter à visionner sur son Mac. Parmi les concerts improvisés (je vous rappelle le principe : inviter des artistes à se produire dans un endroit insolite, dans des conditions minimales et en acoutisque, et les filmer avec prise de son ambiante puis les mettre en ligne sous forme de podcasts vidéo intimistes que l’on peut télécharger), j'ai particulièrement flashé sur trois jeunes femmes derrière des petits claviers qui chantaient des harmonies intimistes sur des mélodies totalement lo-fi... Juste trois petits synthés et leurs trois voix. Je m'étais souvenue de leur nom aux consonnances françaises, me jurant d'y retourner voir. Et puis la nouvelle de la sortie du nouvel album du trio féminin a vite suivi. De là, Fallen snow... Trois voix féminines à la pureté pop envoûtante. Pop et mélancolique. Douce et ensorcelante, cette Fallen snow illumine un peu ma journée en venant discrètement se glisser dans mes oreilles...

Repère :

"Heather, Annie et Erika sont trois jeunes filles vraiment charmantes, plutôt très jolies, qui semblent sourire à chaque phrase que l’on prononce, et dont on se demande si elles nous ont écouté ou si elles avaient la tête ailleurs" commence Vincent Moon. Trio féminin, donc, Au revoir Simone vit à Brooklyn. On pense souvent à Broadcast ou Stereolab en écoutant certains titres. Mais pas que. Electro-pop charmante et lo-fi, la musique des Au revoir Simone (a priori en référence à une réplique de Pee Wee dans un film de Tim Burton) a commencé à ensorceler les oreilles dès leur premier album : Verses of Comfort, Assurance and Salvation (2006). Leur second opus est sorti au début de cette année et a encore une fois séduit avec ses harmonies éthérées et/ou parfois sautillantes (The Bird of music, 2007).

dimanche 8 avril 2007

A song, a day. 05/03/2007.


Pantha du Prince - Walden 2

Berlin, vacances de Noël. Comme à mon habitude, j'achète Groove, le magazine des musiques electroniques allemand (excellent zine, cela dit en passant). A l'intérieur, je remarque qu'un disque du label Dial -un de mes labels préférés, fondé entre autre par Lawrence- est mis en avant. C'est Bliss de Pantha du Prince. Jamais entendu son nom à celui-là, pourtant, un pseudo pareil, ça ne s'oublie pas... (Je remarquerai plus tard, qu'effectivement, il y avait bien des sorties de Dial avec ce nom !!). Dans Groove, comme dans Trax, il y a un CD qui défend les nouvelles sorties (c'est pourtant là que je comprendrai l'essentielle différence entre le magazine allemand et le frenchy). Le troisième morceau est justement un extrait de l'album. Revenue en France, j'écoute donc le sampler. Je boucle sur le morceau de Pantha du Prince. Saturn Strobe ça s'appelle... Et là je commence à angoisser : l'album (il me le faut, c'est maintenant certain) va-t-il être distribué en France ??? Il me faut attendre un bon gros mois, mais début mars, je trouve enfin le disque dans les bacs. (Merci Kompakt !). Pochette noire à la marque énigmatique, l'objet se pose déjà classe et subtil... Et cette fois-ci, c'est sur tout l'album que je bloque. Dont la "song a day". Walden, les bois, la forêt... Peut-être celle de Thoreau. En tout cas, tout commence par des troncs serrés et nus qui crépitent en percussions sèches. Quelques gouttes d'eau s'écrasent en cliquetis et le bois s'épaissit. De feuillages, de nappes mélodiques argentées... De troncs tout en basses, massifs ou tremblants... Jusqu'à une clairière de givre éclairée de fréquences luminueuses... Pour parler de la musique qu'il sort et des artistes -le plus souvent de Hamburg- qu'il défend, Dial utilise l'expression "Post-Techno für den romantischen Menschen“, -c'est-à-dire, post techno pour romantiques (vous l'aurez compris)-... Formule qui colle bien au titre d' Hendrik Weber, le fameux Pantha du Prince... Il s'agit une fois encore d'ambiance éthérée, de rythmes addictifs et de finesse subtile. (Pour finir, je cite Bishop)"Les connaisseurs décèleront une constante sur tout l'album : l'usage massif du fameux Schaffel beat (littéralement "shuffle" en anglais), soit un rythme syncopé passant rapidement du classique 4/4 au 6/8, 3/4, voir 12/8. Des variations rythmiques qui créent un constant décalage et qui donnent immanquablement envie de secouer la tête (et le reste)"...

Repère :

Selon certains articles, le jeune Pantha du prince est un artiste et pianiste précoce qui compose des pièces pour piano, pièces de monaie, bouts de papier et stylos. A l'adolescence, il délaisse ces compos expérimentales pour se frotter à la guitare et à la basse dans des groupes influencés par Ride ou My bloody (Valentine, ça va de soi), puis davantage par le punk ou Joy Division. C'est alors qu'à la fin des années 90, il tombe dans l'électro (Chain Reaction, Sähkö, Robert Hood ou les sorties de Profan) tendance plutôt minimale. Il sort alors une poignée de maxis et un premier album Diamond Daze (2002) sur Dial. This Bliss à la pureté glaciale et lumineuse est donc son second album. Il semblerait (mais Discogs ne confirme pas...) que Pantha du Prince s'allie aussi avec ses comparses de Dial (Lawrence, Carsten Jost et Efdemin - que du très bon) pour un projet à quatre : Glühen 4. On a hâte d'entendre...

A song, a day. 02/03/2007

Roots Manuva - Too Cold


On pourra me reprocher de choisir le morceau le moins hip hop du disque, le titre le plus sucré. Oui, mais c'est sans compter que je suis complètement fan de tout l'album... Et puis il faut écouter ce titre "Sometimes i hate myself, sometimes i love myself", des choeurs masculins "i'm too cold, i'm too cold, i'm too old, i'm too old" complètement soulful, avec des voix aigues en écho qui immédiatement filent le sourire... Tout ça entrecoupé par le flow chaud (et ici sucré) de Roots Manuva. Je n'ai aucune idée de ce qu'il raconte, mais à chaque écoute, j'ai l'impression d'un immense arc-en-ciel de toutes les couleurs qui se déploie dans le ciel. Je doute que les paroles soient aussi souriantes, mais ça sent le soleil, le bonheur et les rires d'été. Plus de sucre disait JP Nataf, on y est, là. Des cordes, des samples de flûte, et tout ça fait avec une maîtrise impeccable...


Repère :

Roots Manuva est anglais. Anglo-jamaïcain, plus exactement. Et ca s'entend... Pour définir sa musique, il utilise deux termes : Love and Bass... Tout est dit. De mon côté, il a fallu attendre cette année pour que je le découvre grâce à la soirée Hip Hop du Club. Mais depuis la fin des années 90, on a remarqué son talent hors pair dès Brand new second hand (1999). Aussitôt, on parle de Roots Manuva en termes élogieux, et pour cause, un flow précis, une voix grave et chaude, et derrière, un vrai talent de production. Des samples efficaces et audacieux, des beats impeccables, et parfois un dub marqué. On parle de renouveau, de sursaut du hip hop anglais... Bref, les albums suivants : Run come save me (2001) - et sa version dub récréative de 2002 Dub come save me-, Awfully Deep -dont est extrait la song of the day- (2005) et Alternately Deep (2006), sortis sur Big Dada, viendront confirmer tout le bien qu'on pensait de Rodney Smith.

A lire ici, une chronique en français d'Awfully Deep sur Bokson. Tout cet album est grandiose...