mercredi 14 octobre 2009

Shannon Wright en concert à l'UBU, Rennes, 8 octobre 2009

Ce jeudi 8 octobre, l’Ubu accueille Shannon Wright et Yeti Lane, le groupe parisien qui assure la première partie. A priori, la soirée affiche complet, ce qui ne me surprend pas une seconde ! Dire que j’attends ce concert avec impatience serait un cruel euphémisme. Shannon Wright est à mon avis, la plus grande dame de la musique actuelle en vie (expression inventée de concert avec The Hostess) et j’attends ce 8 octobre fébrilement depuis des semaines... The Hostess qui m’accompagne, tout pareil.


On a été mises en appétit avec l’arrivée, fin septembre du dernier opus de la dame, Honeybee Girls, à la sublime pochette et aux chansons parfaitement ouvragées (je vous fais une chronique d’ici peu). On attend donc de les entendre sonner sur scène !


Comment est-ce que je pourrais expliquer à quel point je suis fan de la musique de Shannon ? Dire que je l’ai vue plein de fois en concert ? Raconter que j’ai le 138ème digipack (sur mille) de l’édition limitée numérotée de Perishable Goods ? Expliquer que j’ai eu pour mon 30ème anniversaire une guitare Fender Jazzmaster crème et rouge (la même que Shannon Wright (Merci The Hostess)) ? Pas sûre que ça suffise. Bref, la musique de Shannon Wright touche à l’âme. Du moins à la mienne...

La soirée commence sous de bons auspices. Je croise Jean-Louis Brossard dans la salle, juste après sa présentation au micro des Yeti Lane. J’en profite pour le remercier du petit mot reçu le jour de mon 30ème anniversaire, coïncidant avec le 30ème anniversaire des Trans, signé par toute l’équipe des Transmusicales, accompagné du disque de la 30ème édition. Il trinque très gentiment avec moi. Je le laisse très vite profiter de la soirée, et je me faufile au milieu (enfin du moins j’essaie, les rangs sont très serrés ce soir !) du public pour écouter plus attentivement les Yeti Lane.



Trio guitare, batterie, claviers/basse, le groupe nous surprend très agréablement avec ses mélodies accrocheuses et ses arrangements (aux claviers ou aux chœurs notamment) plutôt habiles. Le batteur est loin d’être mauvais et on écoute le set d’une traite sans s’ennuyer. Pour le Guru qui aime les jeux des ressemblances, ça sonne parfois comme du Calc, parfois comme du Radiohead, sur un morceau comme du Grandaddy, mais sans s’y limiter... Bref, plutôt pas mal. Du coup, je leur achète leur premier album à la fin du concert. Pour apprendre les jours suivants que ce trio n’en est pas à son coup d’essai. Il s’agit de trois membres de Cyann & Ben (trois albums et une venue, me semble-t-il, il y a quelques années à La Route du Rock). Bref, le concert s’achève sur un rappel (une tradition à l’Ubu, merci M. Brossard) et une ruée vers le bar du public très nombreux. On en profite pour (espérance pas tout à fait confirmée) se placer mieux. Ma guitare arrive sur scène (d’ailleurs j’étais trop mal placée, mais il me semble que c’est aussi celle utilisée par le clavier de Yeti Lane...) et je suis aux anges. Je crois apercevoir Philippe Couderc, boss du label Vicious Circle (qui sort les albums de Shannon) à la rambarde. Il est bien placé, me dis-je, et je me dis que c’est quand même mieux ainsi (j’ai souvenir de sa déception quelques années avant, lorsqu’il tenait la stand merchandising pendant les concerts et qu’il pouvait rarement voir la totalité du set...).



Avant que ça commence, j’ai une pensée pour The Milk, qui assurait la première partie de Shannon à l’Antipode lors de la tournée de Let in the light. On l’avait découverte à ce moment-là, et on peut le dire, la jeune femme nous avait vraiment plu. On sait qu’elle appréciait Shannon, on espère qu’elle peut la voir, ce soir, de là-haut, si un là-haut existe...



L’ambiance se réchauffe et on est de plus en plus agglutinés quand le groupe arrive sur scène. Shannon tourne comme la dernière fois avec des barbus (certains sont même les mêmes !!) à la batterie, à la basse, et un nouveau membre qui a rejoint le combo sur scène, à la guitare (lui aussi une jazzmaster me semble-t-il) et aux « bidouillages ». Shannon quant à elle, se partage entre le piano et la guitare. On sent très vite une vraie ferveur dans le public, même si j’ai le regret de le dire, pourtant bien en deçà de celle qu’on vivra le lendemain à Nantes. Le concert débute par Tall Countryside qui ouvre le dernier album. Morceau plutôt folk s’il en est, mais que de gros soucis de sons (jack défecteux ? micro devant l’ampli HS ? Ampli en rade ?) viennent altérer. L’artiste ne se démonte pas pour autant, reste étonnamment calme et patiente, et continue de faire au mieux... Et c’est là qu’on se dit que c’est quand même une très grande dame... Parce que, malgré des soucis techniques, qui s’estomperont tout de même tout au long du set, une sorte d’abeille constante en fond sonore, et un son qu’on a connu bien meilleur, on ressortira du concert complètement soufflé, bluffé, dithyrambique... Les chansons tiennent vraiment toute la route et la prestation, même altérée, reste totalement incroyable.




Aussi, si on regrette que ce Tall countryside n’expose pas toute sa richesse mélodique en arpèges (a dream never came true), on reste admiratives et on se retrouve très vite emportées par l’avalanche rock qui déferle à sa suite. Les titres les plus rêches du dernier album (Trumpets on New Year’s Eve, Embers in your eyes) s’enchaînent dans une rythmique rock dévastatrice. Les membres du groupe de Shannon ont un talent monstre et une expérience (Slint...) respectée. Le bassiste bondit à chaque attaque rythmique et on ne peut que l’imiter. Le groupe est soudé et dégage une puissance incroyable. Shannon, bien sûr, nous envoie de vraies claques sonores. Quelle guitariste !! Et quelle chanteuse ! (même si elle ne se considère pas comme telle !)... Bref, une déflagration sonore qui nous laisse sans voix, hébétées... Après cette première partie toute en puissance sonore, le groupe enchaîne avec un second moment, (faussement) plus calme, Shannon pose sa guitare et s’installe au piano. On est tout aussi conquises.



En résumé, le concert balancera entre ces deux pôles pendant toute sa durée, les moments « éléctriques » avec Shannon à la guitare et ceux plus « acoustiques » (enfin avec une basse et une batterie !) avec Shannon au piano. L’impression finale sera celle d’un set bigrement équilibré, plein, sans temps mort et parfaitement pensé. Et ceci est d’autant plus remarquable que les morceaux choisis font la part belle à la majorité des albums de Shannon, aussi bien les morceaux de l’écorché Over the sun (Avalanche, You’ll be the Death of me, Black little Stray, Portray...) que ceux, lumineux, de Let in the Light (Defy my love, Louise, ...) tout comme le plus ancien, Dyed in the Wool (Hinterland, je crois aussi Less than a moment) ou même Maps of tacit (Within the quilt of demand...) . Bref, tout reste parfaitement cohérent.



On se surprend à se dire avec the Hostess, « tous des tubes, tous des TUBES ! ». Je remarque que la setlist reprend certains de mes morceaux préférés, et puis je rigole intérieurement en me disant qu’en fait ce sont les préférés des préférés. On a un vrai plaisir à ré-entendre Hinterland au piano (ça faisait longtemps). Je remercie le ciel pour You’ll be the death, j’ai le coeur serré sur Louise (ma Louise s’appelle Adrienne)... Bien sûr, certains cris du public ponctuent les débuts des morceaux les plus emblématiques de la dame, mais très sincèrement, tous les morceaux sont sublimes et sublimés. Aussi quand Shannon abandonne le micro pour chanter sans amplification par-dessus sa guitare sur un Black Little Stray d’anthologie, (même si celui du lendemain à Nantes sera encore plus intense, si tant est qu’on ait pu pensé que ce fut possible), son engagement est total et ne laisse personne indifférent. Vous pourrez d’ailleurs lire dans certains comptes-rendus de concert ou d’interview, la peur ou l’angoisse du chroniqueur. Shannon transperce le public et son regard montre bien qu’on n’est pas là pour rire. Je ne sais pas qui ou ce qu’est ce black little stray, mais je ne peux que lui conseiller de passer son chemin et de ne pas venir comme on le lui a demandé. Il vaudrait mieux pour lui.



Après un final abrasif, le groupe se retire avant un rappel, de trois titres, avec Shannon, seule, au piano. On entend toujours le silence dans les concerts de Shannon. Bien sûr au bar, on perçoit quand même quelques bières qui tintent. Mais devant la scène, c’est toujours la qualité d’écoute du public qui frappe. Les oreilles sont suspendues à sa voix, à ses mains sur le piano. Intense. Les musiciens rejoignent Shannon pour le dernier morceau. On peut féliciter ce choix audacieux : finir avec l’excellent Father. En grande fan des expérimentations de Thom Yorke sur Eraser, je ne peux me lasser de ces beats froids tout en cliquètements qui ponctuent ce nouveau titre. On est surprise de voir Shannon sans guitare, sans piano, avec son seul micro... Sa voix tout en reverb’ remplit l’espace et achève le concert comme dans un rêve.



De notre côté, on reste sans voix, abasourdies.



Heureusement qu’on va la voir demain à Nantes.



On finira sur ces mots à elle pendant le concert.



« Nice to see you ».