Tiens, j'ai fini par retrouver mon code pour le blog...
Jeudi 14 août
Nous voilà repartis pour notre ration estivale et malouine de musique bien hydratée. Avec les fidèles et charmantes Hostess et E-girl, nous reprenons la formule gagnante de l'année dernière : palais + fort Saint-Père et nous retrouvons donc affublés d'un seyant bracelet bleu disco à paillettes.
En filous expérimentés, nous réussissons à nous garer dans un Saint-Malo bourré jusqu'à la gueule de gens en tongs. Nous commençons donc bien calés dans les fauteuils moelleux du palais avec le duo de San Francisco The Dodos. Leur pop folk énervée n'a rien de bien estomaquant, « juste » une voix charmante, des arrangements inventifs et surtout une très belle énergie. Parfait pour ouvrir les hostilités.
Même si je déteste ça, je vais filer la métaphore guerrière avec l'attaque thermonucléaire du duo électro-psyché-tribal de Bristol : Fuck buttons. Rythmiques barbares, boucles hallucinées et déferlantes sonores s'abattent sans prévenir sur nos oreilles à peine échauffées. Les murs du palais tremblent, les machines à sous du casino voisin explosent en gerbe de petite monnaie et nos oreilles saignent. J'en ressors un peu groggy mais totalement ravi.
L'hébétude laisse rapidement place à l'inquiétude quand, sur la route du fort, s'abattent sur nous des trombes d'eau délugesques. Le spectre humide et boueux de 2003 souffle sur nos échines. Brrrrrrr. En fait, une fois sur place, la pluie se fait plus légère pour nous laisser passer une soirée glaciale mais sèche. Globalement, malgré quelques frayeurs le samedi nous naviguerons miraculeusement entre les gouttes.
Je passe la main à l'ami Fix pour the war on drugs dont nous sacrifions la fin de concert pour le rituel de la première bière.
Je n'avais en fait pas trop d'idée précise de ce que pouvait bien être le duo pop-hype de The Dø. Je découvre donc en direct et au final, ça ne m'emballe guère. Il y a de l'entrain, c'est sûr, mais tout ça me paraît tellement inoffensif que ça me passe totalement au dessus de la tête.
Incroyablement, je dois avouer être resté sur un mauvais souvenir du concert de 99 des Tindersticks dans ce même festival. Je me rappelle m'être copieusement emmerdé en ayant l'impression d'écouter dix fois la même chanson. En deux chansons, je suis définitivement réconcilié avec la bande Stuart Staples. Même si leur style mélancolique et vénéneux reste immuable, les compos sont beaucoup plus variées et l'ajout de sections corde et cuivre propulse le tout dans les étoiles. Très très classe.
Le contraste est saisissant avec le je-m'en-foutisme goguenard et totalement assumé des Breeders. Les soeurs Deal n'en ont visiblement pas grand chose à foutre, mais s'amusent bien et étonnamment, c'est communicatif. Le côté mal foutu des ces ritournelles de trois minutes rend tout ça extrêmement sympathique. Bon, 1h20 de concert sans savoir ni enchaîner deux chansons ni en conclure une autrement que sur un vague accord plaqué, c'est un peu long, mais les tubes restent irrésistibles et les covers (Beatles, Guided by voices) font plaisir à entendre.
C'est quitte ou double pour les californiens de Cold War kids qui ont la dure mission de nous garder éveillés par des températures polaires jusqu'au dernier groupe. Bonne surprise, ça marche très bien. Leur blues rock fiévreux et racé, porté par la sublime voix de Nathan Willett me surprend et me ravit au-delà de mes espérances. Je suis très curieux d'écouter ça sur album.
Malgré ça, les demoiselles jettent l'éponge pour raison de repas familial le lendemain et je me retrouve seul pour les très attendus Foals (et pas que par moi visiblement). J'adore l'album antidotes et j'attendais fermement de voir leur valeur sur scène. Je ne suis pas déçu. Le set est précis et survitaminé (à 3h du mat et par – 40°C, il y a plutôt intérêt). Les derniers survivants du fort dansent comme des possédés et ça fait un bien fou.
Je vais me pieuter avec un large sourire de satisfaction.
Vendredi 15 août
La seconde journée est, elle aussi, pleine de promesses. Le soleil pointe présent, les gens en tong aussi. Malgré tout, on ne rate pas grand chose du trio US réduit à deux Bowerbirds et c'est tant mieux. La voix de la charmante accordéoniste se marie à merveille avec celle du guitariste et leur pop/folk est tout à fait charmante. Si ça se confirme que sur album les arrangements sont plus travaillés ça doit mériter le détour.
Le copain Bug nous avait prévenu, mais Micah P. Hinson impressionne. Une dégaine improbable à la Elvis Costello rondouillard, un jeu de guitare à la Johnny Cash et surtout une voix incroyable à mi chemin entre encore le père Cash et Vic Chessnutt. Du second, il garde aussi l'humour dépressif et teigneux et le songwriting acerbe. C'est donc très, très classe. Sur la longueur, il finit même par se détendre et se révèle une vraie pipelette dans un style « fuck off » quand même.
Je note ça illico tout en haut de ma liste d'albums à chopper.
Nous retrouvons quelques renforts au fort : ma belle, Fix et Gégé dit « la duchesse de la Gouesnière ».
L'adage est connu de toutes les crémières : « bon second concert au palais, premier concert au fort loupé » et on ne verra donc que des miettes de No Age. Dommage ça avait l'air bien.
J'avais gardé un bon souvenir de Why? il y a deux ans et le second round confirme. Ça s'éloigne de plus en plus des archétypes hip-hop déviant du label Anticon mais tout en se popifiant ça conserve l'esprit frondeur d'origine. Le concert est gonflé dans un style tout calme mais tout passe avec bonheur. L'ajout de l'excellent Andrew Broder (ex Fog) ne fait que rajouter à mon plaisir.
Leur concert de 2002 m'ayant laissé des étoiles dans les oreilles, mon attente était très forte pour mes chouchous de The Notwist. Le doute se dissipe en quelques accords et je sens instantanément que ça va dépasser toutes mes espérances. Le choix est visiblement de faire très fort avec un set puissant mettant en avant les rythmiques et les petites boucles accrocheuses de Martin Gretschmann. Le plus fort, c'est qu'ils y parviennent avec une facilité déconcertante et en réussissant à conserver de bout en bout leur grâce lunaire. La grande classe quoi. Le concert passe et je suis en apesanteur en me délectant des détours entre les albums. Les allemands jouent au jeu du chat et de la souris avec les fans avec leur version largement remaniée qui laisse planer un délicieux doute sur ce qu'on écoute et qui finissent par se dévoiler avec malice. Le point d'orgue est atteint en milieu de concert avec un « pilot » gargantuesque se payant le luxe d'un pont dub classieux à mi-course. Rhaaaa lovely !
L'ami Fix conclut le concert par cette sentence définitive: « C'est le meilleur groupe du monde ». J'acquiesce.
Les islandais Sigur Rós sont apparemment très attendus. Pas par moi en tout cas puisque je ne connais d'eux que le titre de la compil. Ça commence plutôt mal avec de pénibles vocalises dans l'aigu d'un chanteur à queue de cheval et veste à franges. Après le filet de voix magique de Markus Archer, ça fait mal. Ensuite ça vire au barnum avec plein de types, des cuivres et des cordes qui ne servent pas à grand chose et un canon à confettis. La foule à l'air d'adorer mais je ne me sens que vaguement gêné par le ridicule du bidule.
Tant pis pour Pivot et Adam Kesher, on va se coucher histoire de garder un peu de réserve pour le final.
Samedi 16 août
Après deux jours de cartons pleins, que va donc donner cette ultime journée beaucoup moins excitante sur le papier ?
On commence en douceur avec Phosphorescent, un barbu à très belle voix (une constante cette année, heu, les belles voix, pas les barbes hein !) tout seul avec sa guitare. Bien calé dans son fauteuil, avec les yeux fermés, son post-folk est un vrai délice.
Windsor for the derby est sûrement un très bon groupe qui mérite la découverte mais le set est gâché par des gros problèmes de volume sur les voix. J'ai un peu le sentiment d'un rendez-vous raté mais on file sans trop de regret parce qu'il y a des petits gars au fort dont j'attends beaucoup.
Du coup, on arrive hyper en avance dans un fort désert. On prend tranquillou notre binouze rituelle, on flâne du côté des labels et on se cale peinards au pied de la scène pour voir Menomena. La pop alambiquée et aventureuse de ce trio de Portland étant un de mes coups de coeur du moment, je suis très content de les voir sur scène. Et wow, qu'ils sont forts. Pour rester le plus fidèle possible aux compositions alambiquées des galettes, les zozos jonglent avec une foule d'instruments et de pédales. Ça virevolte allégrement et la sauce prend parfaitement. Les compositions prennent toute leur force en live, il y a de la technique mais il y a aussi du coeur. Le batteur à l'air de friser l'apoplexie mais tombe juste à chaque fois. Un très beau concert généreux et riche en talent qui donne envie de les voir dans un contexte plus cosy.
On n'attendait pas grand chose non plus des délires western des ex little rabbits et pourtant. On avait sous-estimé le capital sympathie des French cowboy. Rien de flamboyant mais une musique agréable et surtout une attitude royale et drôle. Ça papote juste ce qu'il faut pour faire marrer sans saouler et quand ils invitent sur scène les fans des Girls in Hawaii qui poireautent depuis l'ouverture du fort on applaudit le geste. Chapeau les cowboys.
On va aller plus vite sur la fin parce que le festival aborde sa phase pop (dans le sens populaire) et que c'est moins ma tasse de thé. Les belges de Girls in Hawaii sont mimis et finalement moins craignos que prévu. Par contre le duo pop opportuniste The Tings Tings m'est franchement plus antipathique. Tout comme les Poni Hoax dont le disco/cold wave est assez agréable mais dont l'attitude branleurs graveleux l'est beaucoup moins. Bof donc.
On déclare forfait pour Midnight Juggernauts. On a eu notre dose pour cette année.
Un très beau cru donc. En plus, le festival a fait 16 500 entrées et donc a dépassé le seuil qu'il lui fallait atteindre pour éponger un peu sa dette et sauver provisoirement sa peau. Il y aura donc bien une édition hiver et au moins une autre édition été. Si c'est toujours de cette qualité là, je signe tout de suite pour dix ans de plus.
P.S. Spéciales bises aux filles pour le transport, les conversations, la gentillesse et les envies de crêpes.