
The Beatles - Beatles Ballads
Pas de souvenirs de chocs mélodiques ou d’une quelconque épiphanie musicale. Pourtant à la maison, des disques, énormément. Mais que du classique et surtout... De l’opéra. Des rayonnages entiers de vinyles, cassettes (puis CD). De l’opéra tous les jours, dans toute la maison. Et surtout le samedi matin, jour de ménage, où les coups de balai passé contre la porte au son de Verdi nous réveillent inlassablement. Avec ma sœur, on fait tout pour y échapper. En vain ! Seul morceau "classique" à trouver à nos yeux une quelconque grâce et surtout une liberté jouissive : le final de L'enlèvement au sérail ; les seules fois de nos vies où nous sommes autorisées à sauter sur le canapé en rebondissant sur nos fesses. Des cymbales héroïques que je cherche absolument à reproduire à l’époque avec les couvercles de la cuisine. Comme premier épisode, j’aurais donc pu choisir un opéra ou une pièce classique... Mais si je suis honnête, mes vraies amours pour le style (Rachmaninov, Mahler ou le Faust de Gounod) ne sont que bien plus tardives. J’aurais aussi pu parler de Claude François (qui je l’apprendrai plus tard, terrorisait le petit Mr. B. alors que moi, je jouais sa ré-incarnation en dénichant mes 2 plus fidèles claudettes –ma sœur et Delphine, contraintes et forcées, mais qui s’exécutèrent pendant des mois parce que j’avais deux ans de plus- puis en en embauchant quatre autres filles –les claudettes étaient 6- dans la cour de récré pour des répétitions quotidiennes, voir tri-quotidiennes !) ou de Patricia (Kaas, D'Allemagne, déjà...). Je me souviens avec amour de notre disque d’Anne Sylvestre (avec « il fait un froid de lou-ou-ou-ouhouhoup, maman prends moi sur tes genoux » et l’escargot Léo). Mais mon premier épisode sera celui d’une confession honteuse.
Alors que papa faisait des bonds horrifiés (il en fait toujours) s’il avait le malheur d’entendre une batterie ou une guitare électrique (et menaçait même d’envoyer tout le monde dans le fossé si un tel son sortait de l’autoradio), maman avouait de son côté avoir aimé les Beatles dans sa (proche) jeunesse. Aussi, lorsque mon père me permit pour la première fois de prendre une cassette sur sa carte de bibliothèque, je m’emparai de la double compilation « rouge » des Beatles, les yeux brillants. En rentrant, je montrai triomphante ce que j’avais ramené, les yeux pleins d’amour à ma mère... Avant de glisser l’enregistrement dans mon radio-cassette, je vénérais déjà l’objet, sûre d’entendre le truc le plus beau de la Création. Ce qui se passa quand je pressais le bouton play fut pourtant complètement différent. Aussitôt un effroyable son de casserole (du moins c’est ce que mes oreilles entendirent à l’époque) remplit la pièce et je ne tins pas plus de deux chansons. Du haut de mes 8-9 ans, je prétendis avoir a-do-ré : il n’était pas question de mettre mon amour pour ma mère en question.
Quelques années plus tard, il n’était pas plus question de mettre en doute mon amour filial dévoué. Lors d’une de nos premières virées à la FNAC, je choisis donc de réitérer en ne m’avouant pas vaincue. Je choisis une cassette des Fab Four avec l’aide de maman : ce n’était même pas un album, juste une compilation. Mais pas n’importe quelle compilation, une compilation des titres que justement ma maman préférait. Beatles Ballads, ça s’appelait. Que des titres doux et calmes... Et à force d’écoutes, le miracle se produisit enfin... Moi aussi j’aimais les Beatles ! Et maintenant quand on me demande ce que je préfère chez les Beatles, j’ai toujours envie de répondre Beatles Ballads (que personne ne connaît bien sûr)... A cause de “She’s leaving home” (mon titre préféré !), “Here comes the sun”, “the fool on the hill” ou “here there and everywhere”...
Il m’arrive aussi de répondre la « double compilation rouge » (qui fait se retourner les puristes qui ne jurent qu’ « après le double blanc » !!!), histoire de faire un pied de nez à mes terreurs enfantines...