dimanche 10 juin 2007

E-Girl - Un parcours : épisode 2


Françoise Hardy - Le premier bonheur du jour

Un jour une amie de ma sœur a dit en rentrant chez nous : « je croyais que c’était la radio ». En réalité, c’était la voix de ma mère qui chantait. J’aime imaginer qu’elle fredonnait Françoise Hardy.
J’étais petite. Je la regardais repasser, assise sur une chaise dans la cuisine. En l’écoutant raconter que c’était ainsi que Françoise Hardy avait écrit son premier album : la guitare sur les genoux, en regardant sa mère repasser. Ca me faisait rêver. Même si de mon côté, je n’avais pas de guitare. J’en ai conçu une inexplicable parenté d’âme avec cette jeune femme qui regardait, comme moi, sa mère manier le fer pendant des heures.

Je ne sais plus comment j’ai découvert ses disques. Je crois d’abord par la voix de ma mère. Puis par une cassette avec plein de titres d’entre 62 et 67, avec souvent une guitare seule et sa voix. Je pouvais les chanter des heures sans jamais me faire mal. Des chansons souvent toutes simples, à l’orchestration parfois presque joyeuses (« Va pas prendre un tambour », « Dis-lui non », « J’suis d’accord »), mais aussi mélancoliques, qui disaient les soucis amoureux de l’adolescence (« Ton meilleur ami me téléphone tous les soirs, il me dit qu’il m’aime... (...) Ton meilleur ami quand je lui demande pourquoi depuis des jours des nuits, je suis sans nouvelle de toi... »), ou ceux du temps qui passent (« La maison où j’ai grandi »). Trois minutes, souvent à peine terminées. Juste le temps de la simplicité. J’avais aussi une cassette que mon parrain (un homme fragile que j’aime très fort) était allé me chercher dans sa boîte à gants. Dessus, il y avait « Mon amie la rose », que j’avais écrite, le doigt sur le bouton pause de mon radio-cassette.
Depuis, la voix de Françoise Hardy me calme. Même encore maintenant. J’aime ses disques d’avant, à la simplicité désarmante, ces titres qui frisent le génie - Comment te dire adieu -, ceux de maintenant (« Le danger » en tête, ou « Contre vents et marées »), mais pas ceux du milieu aux orchestrations ’80 (type mauvaise variété). De ces derniers, je ne voudrais garder que la voix et ce qu’elle dit. J’appris plus tard, avec bonheur que les anglo-saxons qui nous faisaient rêver la connaissaient et l’admiraient eux aussi (elle le leur rendait bien).

Il y a quelques temps, j’ai découvert une allemande, Sybille Baier, qui avait composé une dizaine de chansons dans les années 70. Elle les avait écrites pour elle, pour les siens, en revenant d’un voyage à Gênes. Et puis 30 ans plus tard, son fils les a fait écouter à un label qui, pris par le folk de cette voix nue posée sur une guitare en arpèges, a décidé de sortir le disque. Trois décennies plus tard. Histoire de faire entendre cette voix au monde entier.
Sans Françoise Hardy et sa timidité, je serais peut être passée à côté de la grâce de cette autre voix, j’aurais sûrement ignoré cette vie perdue au milieu du tumulte des années 70, cette jeune femme qui s’enregistrait seule sur son quatre pistes. J’aurais sûrement ignoré la beauté des ronds dans l’eau. Celle des premiers et du dernier bonheurs du jour. Celle de Suzanne. Celle des baptêmes de rosée qui voient la naissance des roses de nos jardins. Celle souvent cruelle de l’éphémère...

Sans filet. Douce et vulnérable, sa voix murmure : « Où sont les pierres et où sont les roses, toutes les choses auxquelles je tenais ? »

Elles sont ici. Dans ses paroles et cette voix fragile. Presque saisissables dans leur nudité. Elles sont ici, enfin retrouvées.

3 commentaires:

The Guru a dit…

Très joli épisode
qui donne envie que tu nous passes aussi parfois de telles voix de filles.

Electro Girl a dit…

merci... j'y penserai :-))...

(et comme tout dépend de tout, j'ai ouvert tout à l'heure une page de "la vie heureuse" de Nina Bouraoui où elle citait Françoise hardy...

Anonyme a dit…

"Le fil d'araignée est plus fin qu'un cheveu, plus solide que l'acier et plus élastique que le nylon." Le fragile et l'éphémère, apparences trompeuses...tant mieux.